PROJET ARTISTIQUE

 

Ce qui me pousse, c’est ma prétention à la parole. D’aucuns pourraient penser qu’en matière de théâtre, tout ou presque a été dit. Pourtant les possibilités d’expressions sont infinies. Ce qui me force à créer, c’est cet embryon d’idée qui murmure que peut-être, il existe quelque chose à ajouter, à creuser. C’est cette petite voix qui m’incite à m’inscrire parmi les créateurs.

« Il faut se méfier des mots. Ils sont toujours trop beaux, trop rutilants » 
Jean Tardieu, « La part de l’ombre »


Ce qui me fascine dans le travail que je mène au sein de la compagnie les gOsses, c’est cette appréhension particulière d’un texte : l’art de donner à entendre ce qui n’est pas formulé, la parole comme moyen de survie et non de communication. 
Les mots ne sont pas l’important, c’est ce qui est tu qui l’est. Les mots n’ont pas valeur de vérité. Ils ne portent pas le poids des propos, c’est ce qui autorise la dérision.
Et voilà exactement notre propos : parler de choses essentielles sur le ton de la plaisanterie ! 
Jusqu’où le spectateur rit ? 
Quelle est la limite entre le sentiment douillet de passer un agréable moment au théâtre et celui, plus latent, de mesurer l’étendue des abîmes de nos vies ? 
Mieux vaut peut-être ne pas y penser ?
Je propose plutôt d’en rire !


Nous explorons et expérimentons un genre hybride : le « clown moderne ». À mi-chemin entre le burlesque et le clown, le clown moderne est un être lamentable qui a le courage formidable de continuer de vivre malgré cette conscience aiguë du « non-espoir » de s’en sortir. Ce n’est pas du désespoir, il n’a jamais espéré.

« Les clowns sont des tragédiens. Je suis tout à leur logique pour expliquer le monde. » G.Junot 

La représentation est une restitution au public, une façon de tester notre adéquation avec les populations, avec notre temps. Mon propos artistique ne peut exister qu’en relation étroite avec les préoccupations de mes contemporains et les problématiques inhérentes à notre époque. J’ai besoin de ce lien. Les gens sont la source inépuisable de toutes mes inspirations. Ma vision du monde actuel serait un cauchemar si je ne croisais ces vies, héroïnes du quotidien. Nous sommes dans une société qui nous empêche de rêver ; ma résistance se situe là : rêver.


Karine Dedeurwaerder, metteur en scène